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Le voyage c'est d'aller de soi à soi en passant par les autres

Proverbe touareg

 

Christine Guillemin,

 Psychologue au Centre Artaud à Reims

 

 

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Vous parler du club MEID c’est aussi faire un petit tour d’horizon de ma formation et de ma pratique sur le terrain puisque par le club MEID, j’ai été accueillie il y a 14 ans alors que j’étais infirmière en chirurgie ; et dans le club MEID, je reviens, 10 ans plus tard, en tant que psychologue. 

 
 

Métaphore d’un jardin
 

Le club MEID, c’est comme un jardin, en friche ou en jachère. On y marche toujours sur les pas de quelques autres qui ont découvert et préparé le terrain, labouré ou semé. C’est toute une histoire, une passerelle, une transmission de la mémoire et des traces.
Mais il ne s’agit pas de se contenter d’observer avec admiration les plantations déjà en place. L’intérêt est d’y semer des graines trouvées, offertes ou empruntées à d’autres, que l’on peut cultiver simplement à sa manière sans oublier que ce jardin a été nourri de cultures précédentes, d’une histoire singulière, d’un héritage. 

C’est un travail quotidien pour ne pas l’abandonner aux mauvaises herbes que seraient le pratico-pratique, les conflits stériles et nos propres résistances.
La culture et l’entretien d’un jardin demande de la main d’œuvre, de la force collective et de l’endurance. Il y a celui qui creuse, celui qui plante, celui qui entretient, qui désherbe et chacun a une place essentielle. Il y a aussi ceux qui flânent, qui se promènent... 

Un jardin ça s’imagine, ça se pense un peu et dans une certaine articulation : on ne plante pas avant d’avoir préparé le terrain. On ne peut récolter avant d’avoir semé...
Il ne s’agit pas d’y mettre un engrais chimique, plus pratique et plus rapide. Ça pousse plus vite mais fragilise les plants, intoxique le terrain, voir le stérilise. Favoriser la culture de l’hétérogène pour donner un maximum de chance et de possibles aux pousses diversifiées qui émergent est un préalable nécessaire. 

Un jardin c’est un espace temps où le respect des saisons et du rythme de chaque plant est essentiel. C’est un lieu précaire, multiple, en mouvement et en transformation constante. C’est un panel de couleurs, d’odeur, de sensations. Un jardin, c’est un espace de rencontres, de créations et de circulations où d’autres sont passés, ou certains s’attarderont, où tout peut être réinventé. 

Cette métaphore du jardinage me vient peut-être parce qu’actuellement, dans les bacs du jardin du club MEID, il se passe quelque chose. Il y a plusieurs semaines, quelques jardiniers se sont remis au travail sur ce petit bout de terrain laissé en friche depuis quelques mois, là où nous avions planté quelques pensées à la fin de l’automne. Nettoyée, retournée, la terre a pu accueillir de nouvelles plantations, en attend d’autres patiemment et voit d’anciennes pousses ressurgir et fleurir grâce aux soins de quelques uns, soucieux de garder cet espace vivant. Nous aurons certainement quelques « fruits » cet été... La récolte prend toujours du temps et « le chemin se fait en marchant » (1) comme aimait le dire J. Oury.

 
 

Chirurgie traumatologique : technicienne en blouse blanche
 

J’ai commencé ma formation loin du jardinage, en chirurgie traumatologique. C’est là que je me suis questionnée sur ma fonction soignante, que j’ai pu prendre conscience de ce que je ne voulais pas.
Etriquée dans ma blouse blanche, j’agissais sur prescription comme technicienne exécutante et dans un rapport hiérarchique avec mes collègues. Tout était décorticable, logique, quantifiable. En cette fin de XXe siècle, la loi du rendement infiltrait déjà les services de l’hôpital (calcul de points des actes chaque matin: tant de minutes pour un pansement, perf....). Une grande majorité des soins étaient planifiés et j’avais peu de marges de manœuvres dans ce fonctionnement où ma créativité était mise à rude épreuve. Je prenais soin d’une partie du corps et le malade se confondait avec la maladie. Au bout de 4 ans, je me suis essoufflée, ennuyée dans les couloirs vides de ce service aseptisé et me suis posée une question simple mais qui allait être essentielle dans mon parcours :  « qu’est ce que je fous là ? » (Oury). 

Au même moment, la rencontre de patients en souffrance me sort de mon anesthésie partielle. Ils m’interpellent et je m’autorise à prendre le temps de m’arrêter pour les écouter. Ça arrange l’équipe, complètement démunie face à ces personnes qui perturbent le bon fonctionnement du service. Je suis alors soupçonnée de ne rien faire puis positionnée comme spécialiste de la folie par mes collègues : « vas-y c’est ton truc, les fous ! ». 

Mon regard s’ouvre encore : je questionne la dimension humaine du soin. Qu’est ce que je fous là ? Je me décide à partir et à aller vers la psychiatrie avec pour seuls bagages quelques stages pendant mes études. Je m’attache à ce souvenir d’y avoir perçu un je ne sais quoi que je ne trouvais pas ailleurs. 

 
 

Bienvenue au club
 

J’arrive dans le service Tosquelles (51G04) en Février 2003, conseillée par une amie qui part en mutation. C’est ici que je vais être formée et déformée en grande partie, dans et par le club MEID : club qui, malgré les résistances aux changements, avait pu se réinventer en intra en s’appuyant sur le modèle de l’extra créé une quinzaine d’années auparavant. Moment angoissant de créer des espaces d’échanges où la fonction soignante n’implique pas une hiérarchie. C’est après un long travail de construction et dans un moment de questionnement précieux, que vont se réunir quelques personnes soucieuses d’améliorer l’accueil et la vie quotidienne à l’hôpital. 

J’entendrais parler de cette histoire d’infirmier coiffeur et d’une coupe de cheveux payée par une patiente, prémices de la naissance du club. 

Un autre horizon s’ouvre mais je m’accroche au départ, à ce que je sais faire : soins techniques, médicaments, administratif... Je n’ai aucune connaissance de la P.I., aucun bagage théorique, ni pratique, encore moins clinique. Je découvre petit à petit que je n’ai pas qu’un statut mais une fonction et un rôle à jouer dans l’institution et auprès des patients. En parallèle du club, les réunions institutionnelles vont grandement participer à mon « acclimatation » et j’ai la sensation d’apprendre un autre langage. Il me faut décrypter cette autre langue qui me semble si étrangère.
Je ne suis plus enfermée dans l’agir. La prise de parole est possible à qui veut la prendre. Je comprends qu’il me faut fabriquer ma boîte à outils, mes ingrédients. Le copier/ coller ne fonctionne pas. Je me dégage de ce que je sais pour m’engager vers l’inconnu, l’inattendu. Je me tourne vers mes collègues expérimentés, certains sont prêts à partager, transmettre le « prendre soin et l’accueil de l’autre ». Je m’imprègne peu à peu de cette manière de « faire ». 

 

Un peu « au bord » au début, j’observe, pensant à tord qu’il me faut un savoir théorique plus solide pour pratiquer : comme si le transfert ou le « savoir » ne pouvait être que du côté d’un thérapeute « diplômé » : un médecin ou un psychologue.
Mais ma disponibilité est vite repérée par les patients et ce sont eux qui vont me déplacer. Le temps des rencontres est venu, de celles que l’on n’oublie pas parce qu’elles vous marquent et vous enseignent. 

 

Je me déforme petit à petit de ma formation initiale et fais l’expérience de la modification du cadre et des modalités de ma pratique dans ces rencontres. Je suis en apprentissage. D’une clinique purement médicale, je m’avance vers une clinique du sujet qui se soucie de redonner du sens aux symptômes en les resituant dans l’histoire du patient. Je quitte peu à peu les évidences et les certitudes pour apprendre à soigner les troubles de la relation avec la relation. 

Attachée à la fonction d’accueil de la parole, j’écoute, là, tout près, éveillée, j’apprend à trouver la juste mesure dans la présence et dans les mots. Côtoyer et accueillir l’étrangeté, entrer dans leur paysage, ont été les premières pierres fondatrices dans la construction de ma pratique. C’est par le biais de l’expérience qu’on entre dans la pratique. 

 

Le club MEID est venu m’aider dans cette formation/ déformation sur le terrain. Il a ouvert un espace de rencontres « médiatisées » par le biais des activités quotidiennes du club: tenir le kiosque (le petit commerce), se réunir chaque semaine pour discuter de cet objet collectif, organiser une kermesse, des sorties... 

Le club est plutôt vivant. Quelques soignants l’animent avec le soutien de la cadre qui veille à la présence soignante nécessaire pour tenir les activités notées sur le planning de l’équipe. D’autres choisissent de ne pas s’y investir mais soutiennent. 

C’est une patiente aide-soignante qui tiendra sa fonction auprès de moi et qui provoquera des rencontres et des circulations avec les collègues de l’extra autour de son planning d’activités : elle se « mélange » entre les clubs intra/extra, elle « me mélange » et me « déborde ». Sans entrer dans les détails de sa prise en charge, le club va me servir de toile de fond pour me soutenir dans cette épreuve du transfert avec elle, de sa folie du doute. Je le conçois à ce moment comme un point d’ancrage, de stabilité pour les patients, un filet de sécurité pour les soignants qui croient en cet outil collectif de soin (2). 

Cette émergence du transfert est intimement liée à la fonction d’accueil, à l’ambiance, aux possibilités d’échanges et aux conditions de rencontres rendues possibles par l’institution. J. Oury parlait de « programmer l’aléatoire » dans le sensde faciliter les rencontres sans en fixer le contenu ni le but. Pour pouvoir offrir ces possibilités de rencontres des soignants et des patients, le « lieu » qui accueille doit proposer des espaces différenciés mais articulables entre eux. Lorsque le dispositif soignant offre des possibilités de mise en scène par le biais du club par exemple, et de sa surface d’échanges, il peut exercer une fonction « phorique » (3) (terme que Delion rapproche du Holding (4) de Winnicott) que nous pourrions qualifier de support d’existence pour les patients les plus fragiles. Ainsi, cette patiente aura pu, un temps, créer sa propre gamme dans ce patchwork hétérogène des espaces, groupes, activités et moments de la vie quotidienne offerts par le club. 

Mais les vagues incessantes de départ de collègues provoquent une instabilité constante dans le service. Beaucoup n’avaient pas choisi de venir travailler là : prendre le risque de travailler de cette manière qui nous engage, nous fait de l’effet, qui agit sur nous. Cela me déstabilise et j’ai besoin de trouver une certaine fiabilité pour poursuivre ce travail. J’apprends qu’une place est créée pour renforcer l’équipe d’appartements thérapeutiques au Centre Artaud. Je me décide donc à partir avec une certaine idéalisation de ce collectif que je côtoie dans mes circulations entre le club MEID et Le Grillon. Ma vision a changé depuis : nous ne sommes pas avares de résistances, conflits internes, refoulement, surdité. 

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Passage intra/extra - Artaud
 

A Artaud et par le biais du club Grain de Plaisir puis du Grillon, j’ai poursuivi mon apprentissage, j’ai étoffé ma boîte à outils.
J’y ai appris l’engagement, celui qui fait qu’on ne peut plus se cacher derrière les autres, qu’on ne peut plus incriminer seulement l’administration, que l’on peut s’empêcher soi- même sans avoir besoin de qui que ce soit. Mais il faut tout de même reconnaître qu’il nous faut batailler dur, être endurants et créatifs face à «l’administratif» et au « protocolaire » qui infiltre nos services. Le club est un outil précieux pour cela. 

Dans le club extra le Grillon, j’ai appris à m’autoriser, à prendre des risques et cela ne s’est pas fait sans difficultés au cours de ces 10 années. J’y ai fait des rencontres marquantes et encore une fois, cela est venu me questionner sur ce que je faisais là et pourquoi je le faisais. 

J’ai expérimenté le fait que la folie n’est pas que l’affaire des autres, il y a la nôtre aussi : la pathoplastie (5). J. Oury introduit une autre strate, un préalable à tous soins, en relation directe avec l’environnement du patient : pour soigner les gens, il faut soigner l’hôpital, soigner l’ambiance, soigner ce qui se passe entre les gens : analyse institutionnelle constante. 

Prendre en compte la pathoplastie ou l’influence des entours, c’est penser collectivement à la façon dont la vie institutionnelle, dans une institution de soins, peut produire en permanence des effets aggravants voire pathogènes sur les personnes que nous accueillons. 

J’ai pu saisir que la densité des relations se développe dans un milieu où les échanges fonctionnent d’une façon assez libre, que la manière dont les lieux sont habités par les patients et les soignants est primordiale. 

Je me suis aussi rendu compte, que j’étais moi-même très sensible à l’ambiance, à l’atmosphère, aux entours, aux interstices et cela grâce à ma pratique dans différents groupes (atelier d’écriture, cinéma, journal, radio, fanfare..), dans les clubs et dans mes circulations. Cela me sert tous les jours. 

Le travail en extra m’a appris à ne pas travailler seule, à m’appuyer sur l’institution, à tenir à plusieurs à travers les conflits, les individualités, à résister aux sirènes du facile, du confortable et du pratique. Penser et construire à plusieurs, se dégager de l’agir pour élaborer collectivement une pensée articulée, une trame, un tissage où le patient pourra peut-être inscrire son parcours singulier. Il ne s’agit pas d’être tous d’accord et de ne parler que d’une voix ou de s’entendre tous bien mais d’être cohérents. 

C’est avec cette expérience que le 1er Août 2016, et après 3 ans de reprises d’études de psycho, je reviens à l’hôpital. C’est l’été, je rentre de vacances. C’est mon premier jour en tant que psychologue. J’entends encore une de mes profs de fac : « vous ne pouvez être psychologue là où vous avez été infirmière ». Moi, je garde précieusement en tête cette phrase que F. avait prononcé lorsque je lui disais mon embarras quant à la reprise de mes études : « que vous soyez infirmière, psycho, femme de ménage, peu m’importe, c’est à Christelle que je parle ». F. est un de mes plus grands enseignants. 

 

Marie, jeune infirmière d’intra, arrive elle aussi à Artaud, dans le même mouvement que le mien il y a dix ans. Julia est arrivée, elle, la semaine d’avant, prenant le poste d’Odile qui part en formation de cadre. Que de bouleversements ce premier lundi d’Août à Artaud! 

La roue tourne, les clefs de casier s’échangent avec résistance. Je tente de vider le mien : j’y ai entassé ou préservé des souvenirs, des cadeaux, des écrits, des pépites vouées à être parfois jetés par les patients. Je mettrai plusieurs jours avant de passer le relais de casier à Marie. Ce n’est pas si simple finalement. 

J’apprends, que dès ce jour, je retourne à l’hôpital. Retour après 10 ans d’absence. L’équipe s’est complètement renouvelée et il ne reste de cette époque que la secrétaire et les médecins. L’équipe est jeune, mouvante. Certain(es) ne sont là que depuis quelques mois. 

Nous sommes lundi, c’est mon premier jour en tant que psychologue, il est 13h et il me faut quitter le nid douillet de mon expérience pour aller à l’hôpital. Qu’est-ce que je fous là ?
Je retourne en réunion institutionnelle, et un peu comme il y a 14 ans, j’observe, j’écoute. Je comprends vite que l’instabilité de l’équipe est toujours là. J’assiste, étonnée, à la même configuration que lorsque je suis partie : mouvements incessants de l’équipe et périodes de travail de nuit à faire. Comment trouver la continuité nécessaire, voir vitale pour certains patients dans ce qui ressemble fort à du morcellement ? 

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Retour au club MEID
 

Revenir au club MEID, c’est aussi pour moi, trouver un espace où mon statut n’est pas mis en avant. Cela me soutient sûrement dans ce passage d’un statut à l’autre. Opérateur efficace, il met en avant les compétences et initiatives de chacun (hiérarchie subjectale, des compétences) et permet d’entrer en relation avec l’autre autour d’objets institutionnels (kiosques, repas, sorties, événements inter-clubs). Là, nous partageons une responsabilité. 

C’est un lieu tiers, témoin de l’ambiance, une autre scène qui peut favoriser une sorte de rdv thérapeutique. Orchestre de la vie du service, il propose du possible et des supports de transferts, favorise l’émergence de la parole et parfois du désir. 

Nous sommes mi-Août et les 7e Olympiades réunissant tous les clubs du pôle se préparent pour Septembre. Ils nous faut former une équipe, créer un hymne sur un morceau musical à choisir, et des costumes. J’entends qu’une patiente a proposé la musique du lac des cygnes et que très rapidement, tous se sont avancés sur ce choix, allant même jusqu’à penser les costumes : un tutu pour tout le monde ! 

Aie, à peine arrivée et je vais déjà faire ma « ça va pas de soi » de service...Je questionne ce projet avec précautions lors de la reprise soignante, je suis embarrassée: on est au club certes, mais sommes-nous contraints d’accepter toutes les propositions des patients sous prétexte qu’ils demandent quelque chose ? Je sens qu’il y a de l’embarras aussi chez quelques collègues. Je les imagine tous en tutu, dansant sur le lac des cygnes...Il y a quelque chose qui me gène, qui pourrait tourner au ridicule...Et puis cette musique, c’est tragique... Thanatos rôde en arrière plan. 

 

Je propose que nous rediscutions de ce choix avec les patients à la prochaine réunion du club. Je m’avance, donnant mon point de vue, me saisissant de l’humour d’un de mes patients qui se trouve hospitalisé dans le service à ce moment là. B est hilare lorsqu’il s’imagine portant un tutu avec son ventre rond et il jubile lorsqu’il nous imagine, nous soignants. Il y a de l’excitation dans l’air. Cela amène des discussions : ceux que cela ne dérangent pas, ceux qui sont contre, ceux qui cherchent d’autres morceaux musicaux...La parole se libère un peu. 

La patiente lâche vite sa proposition. Nous pouvons trouver un terrain d’entente : ce sera un morceau disco, des costumes pailletés fabriqués « maison ». Plutôt que le ridicule, nous choisirons l’humour.
Ce qui pourrait sembler une anecdote parmi d’autres, est je pense, un moment précieux de la vie du club : « arriver à faire du sérieux sans se prendre trop au sérieux ». 

 

Cela nous aura permis de parler clinique autour de cette patiente suicidaire : de sa mise en danger, de cette manière de se tenir au bord de l’abîme ou sur un fil, du « bordage » ou de la fonction de pare-excitation dont nous sommes les garants. Cela aura peut-être aussi « fait rencontre » avec cette patiente, puisque quelques semaines plus tard, je lui proposerai de commencer une thérapie avec moi et je devrai encore par la suite, « border » quelques initiatives dangereuses pour elle. 

Pour revenir sur cette métaphore que je vous ai proposée au début, je dirai que pour jardiner dans le club, il faut pratiquer sur le terrain. Ce ne sont pas mes études de psycho qui m’ont appris à être sensible à la météo mais bien l’expérience acquise auprès des jardiniers du quotidien : patients, soignants. 

Je tenais à revenir au club MEID car il fait partie de mes outils. Par sa présence dans le service intra-hospitalier, il permet le questionnement d’autres espaces : le travail de l’accueil, le collectif, la hiérarchie, l’aliénation sociale/ psychopathologique... C’est un laboratoire extraordinaire de la clinique des psychoses qui fonctionne et s’organise au rythme de la vie du service et de ceux qui l’animent. 

Le club n’est pas un but mais un moyen, le pari d’une construction collective. Il nous appartient d’y articuler des lieux d’élaboration et de théorisation permanente de la pratique: réunions institutionnelles, séminaires, groupes de travail, écrits... 

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Pour conclure, les mots de M. sur le club
 

« Le club thérapeutique, du fait de l’engagement des deux parties, permet au patient d’éprouver la solidité du/des liens qu’il tisse avec les soignants ou d’autres patients. La remise à plat des hiérarchies et des rôles dans l’espace du club permet aux soignants de ne pas s’enfermer dans une illusion de supériorité et aux patients, de ne pas rester dans la soumission. Il offre aussi un espace permettant aux patients de révéler leur savoir faire, leur énergie, leurs envies, les patients pouvant être aussi moteurs dans l’institution. Ainsi, ils peuvent, dans l’espace sécurisant et motivant du club, mener à bien des actions et se faisant, construire une image d’eux-mêmes. 

La cogestion d’un objet commun est un facteur d’émulsion provoquant discussions, débats, échanges qui sont autant de signes de vie dans le quotidien mortifère qui s’installe si l’on n’en prends pas soin. Le club fait de nous un sujet politique, un citoyen du monde » (6). 

 

 

 

 

(1) Poème d’Antonio Machado 

(2) Ecriture d’un premier texte.


(3) Celui qui porte doit être lui-même porté pour se tenir dans cette « fonction phorique ». Les équipes peuvent 

(4) Désigne la mère « suffisamment bonne » qui, par ses soins (gestes, anticipation des besoins, paroles...), porte son enfant, physiquement comme imaginairement, par ses bras, son regard, sa voix et sa pensée. 

(5) Soigner l’hôpital (Hermann Simon), c’est mettre en œuvre de façon opératoire des outils pour travailler contre les effets de cette aliénation sociale qui vient majorer l’aliénation psychopathologique. 

(6) M. Discours au Sénat, Septembre 2015 

 

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