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Présentation de "l'enfance mise au pas"

Dans la Nouvelle Revue de L’enfance et de l’Adolescence

HORS SERIE Numéro 2

 

Il s’agit d’une publication engagée et politique qui exprime les inquiétudes des professionnels du soin psychique quant à l’avenir des enfants, mais aussi à l’avenir de la condition humaine, au regard des conceptions gestionnaires qui depuis trop longtemps ont intoxiqué tous les registres de leur vie quotidienne et viennent attaquer en plein cœur le NEBENMENSCH, ce concept si cher à Freud. Freud qui souligne la nécessité vitale d’une présence humaine suffisamment bonne auprès du petit enfant pour que celui-ci s’accroche à la vie et que la vie s’accroche à lui.

 

Nous sommes entrés dans un temps où l’étayage de sa construction pour l’enfant et de son travail pour l’adulte auprès des autres, semble devenu objet d’horreur !

Ce livre est porté par un désir collectif : celui d’un Groupe, le Groupe Enfance issu du Collectif des 39  qui a voulu alerter pour rendre compte de ce qui se joue  dramatiquement  durant  le temps de l’enfance  dans les institutions publiques et le champ social.

Nous avons pris appui sur cette période du Covid pour dénoncer ce qui maltraite les enfants,  trop peu considérés dans leur personne, leurs problématiques liées à  leur histoire singulière et familiale aux prises avec la grande Histoire.

 

Trois rouleaux compresseurs concourent à cette mise à mal/mise au pas des enfants que le néolibéralisme semble vouloir désubstancialiser pour en faire une variable d’ajustement compatible avec les lois du Marché et de la marchandisation.

 

1- Une bureaucratie débordante de zèle, hors sol c'est-à-dire coupé des professionnels du terrain, des pratiques, des savoirs engrangés.

 L’organe aux commandes de cette bureaucratie est l’H.A.S représentant la ligne idéologique prescrite par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis 2002 et ses bras armés sont les ARS.

 

La HAS a établi des fiches d’action pour que les enseignants sachent faire des diagnostics dès la maternelle et met ainsi en place des « gestionnaires de cas ». Elle a supprimé les accréditations aux lieux d’accueil et de soins qui ne collaient pas à ses « bonnes recommandations ». D’où la fermeture d’un nombre faramineux de lieux d’accueil et de soins (foyers, HDH,  jardins thérapeutiques d’enfants ……et  la transformation des lieux de consultations comme les CMP, les CAMPS ou les CMPP en plateformes diagnostics. On sursoit à cette privation de lieux de paroles et de moyens par des prescriptions de médicaments abusives voire folles pour ne plus entendre parler et par un « étiquetage » stigmatisant honteux car la MDPH oriente les enfants sur dossier sans jamais les rencontrer.

 

L’Éducation Nationale est complètement dépendante de cette machine bureaucratique ; les textes et les protocoles de la HAS sont devenus le nouveau bréviaire des enseignants. L’inclusion à l’école de tous les enfants quelles que soient leurs possibilités est une imposture car dans les faits il ne s’agit que d’une exclusion masquée.

 

2 – Nous constatons donc un changement de paradigme à l’œuvre dans les manières de concevoir le soin et le prendre soin (puisque cette incurie touche aussi les PMI, les crèches, les centres aérés, les services de protection et de prévention de l’enfance) ce qui ne va pas sans une perte de qualité dans la formation des professionnels, et pose la question de la qualité de la présence requise, difficilement mesurable.

 

L’instrumentalisation des neurosciences orchestrée par l’idéologie néolibérale qui, en faisant l’apologie de la biologie à grands renforts des médias, réduit la complexité de la dimension humaine à celle de l’animal ou de la machine et cherche à pulvériser l’espace de notre vie psychique et plus spécifiquement la réalité de l’inconscient. Grâce aux IRM on connaît l’architecture du cerveau ce qui a permis, depuis le livre de Changeux « l’homme neuronal » au concept du neuro-développement d’avoir le vent en poupe ! Or la pratique de l’analyse nous a appris que le savoir n’est pas la science.

Bien que les femmes ne mettent pas au monde des cerveaux, les NS prétendent localiser l’énigme du sujet dans le cerveau ou dans les gênes….

 

  Nous pourrions nous demander si « à toute société injuste, guerrière, ou ségrégative ne correspondrait pas LA science qui la justifie ? ». Toujours est-il que nous ne pouvons qu’être très en colère en constatant combien l’utilisation politique qui est faite des NS ne vise rien d’autre que l’éviction de toute subjectivité tout autant que le rapport au Bien Commun.

 

 3- Cette gestion technocratique avec sa novlangue est asphyxiante avec ce vocabulaire bête et méchant de l’évaluation, des coûts, de la rentabilité qui détourne le sens de la vie, des mots et disqualifie les espaces de réflexions, les échanges entre collègues ou pour le dire simplement disqualifie sauvagement ce que veut dire parler, écouter penser et partager.

 

Les outils numériques ne sont que des outils. Tout dépend de l’usage qui en est fait. Or la technocratie abuse du numérique qui prend la main sur tout avec l’illusion que l’espace numérique peut palier à tout (télé enseignement, télé soin…).

Le numérique est devenu une arme destructrice au service d’un managent entrepreneurial exacerbé qui casse les solidarités, dépossède les professionnels de leurs savoirs et de leurs initiatives, et contribue à externaliser les missions de l’Etat relatives aux questions sociales vers le « privé » ce qui génère, ne l’oublions pas, une spéculation financière sur le dos des pauvres gens.

 

Si comme l’écrit Freud, « l’Enfant est le père de l’Homme et le monde une chambre d’enfant » et si l’imaginaire ou le rapport au Réel des enfants peut construire si souvent des monstres nous avons aujourd’hui à nous re-demander si leurs peurs des monstres ne nous inviteraient pas à reprendre avec eux la question posée en son temps par Kafka « QUE FAIRE DU MONSTRE QUI EST EN CHAQUE ÊTRE HUMAIN ?

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Liliane IRZENSKI

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